Un matin d’été

par Neko

Ce matin j’ai lavé soigneusement mes cheveux
j’y ai mis ma barrette préférée
j’ai enfilé mon yukata au motif grande vague bleue avec le joli hanhaba obi jaune que maman m’a offert pour mes 18 ans
il fait si beau
un magnifique ciel d’août avec l’odeur de la mer et le chant des mouettes
pas un nuage
je vais retrouver mon amie akiko on veut aller voir les cotonnades arrivées hier chez le marchand
mes geta claquent joyeusement dans la rue
je passe devant la boutique de tofu
la marchande est si jolie
la pauvre a perdu son mari l’année dernière elle travaille dur depuis aidée par ses deux petits
elle sourit malgré tout, toujours gaie.
Au retour je lui achèterai le tofu soyeux que maman m’a demandé de ramener pour le dîner
j’arrive en vue du pont aioi au loin je vois déjà la fine silhouette de akiko accoudée à la balustrade elle a ouvert son ombrelle, elle est d’un chic.
je crois que je l’aime.
je n’aime pas trop les garçons et leurs façons brutales.
Il faut voir le genre qu’ils se donnent.
Mais que regarde-t-elle donc avec tous ces gens ?
Comme eux je lève mon regard vers le ciel bleu.
Un grand oiseau brillant si haut qu’on n’entend pas l’ouragan de ses quatre moteurs hurlant
hurlant
hurlant
hurlant
soudain je suis allumette
soudain je suis fumée
poudre d´atomes brûlants dans cette colonne de fumée et de feu montant haut haut dans le ciel si bleu de ce beau jour d’été
Ai-je eu le temps de t’appeler, maman ?
je n’ai plus de bouche pour crier
je n’ai plus d’oreilles pour entendre les cris
je n’ai plus d´yeux pour pleurer

plus que mon silence pour toujours mêlé au cri silencieux des 50000 âmes dispersées dans l’éclair de Hiroshima.

Neko est une écrivaine franco-japonaise.

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